Le « Forum Immanuel-Kant » (IKF), situé dans le Séminaire de Philosophie et au « Centre Interdisciplinaire de Recherche sur les Lumières en Europe » (IZEA) de l'Université Martin-Luther de Halle-Wittenberg, se donne pour but de promouvoir l'étude académique de la philosophie d'Immanuel Kant (1724-1804) ainsi que sa genèse, son contexte historique et son importance pour les problèmes et questionnements de recherche comme de société actuels. Pour l'intérêt historique d'une part, l'étude de la période s'étendant entre Christian Wolff (1679-1754) et l'idéalisme allemand constitue un champ de travail prioritaire ; pour l'intérêt systématique d'autre part, divers accents sont mis sur l'ensemble de la philosophie pratique et théorique. L'IKF se veut un lieu de recherche international, il aimerait, dans une optique interdisciplinaire, servir de lien entre les différentes traditions de recherche et d'interprétation de Kant, telles qu'elles se sont formées à l'échelle internationale durant ces dernières décennies. Il attache beaucoup d'importance à la promotion de chercheuses et chercheurs qui débutent dans leur carrière.

Le « Forum Immanuel-Kant » organise des congrès et des colloques à intervalles irréguliers, soutient des chercheuses et chercheurs étrangers pour leur demande de séjour à l'Université de Halle-Wittenberg, à des fins d'études, de recherche ou de visite dans le cadre académique, et propose régulièrement des séminaires et cours magistraux sur des thèmes ciblés dans le cadre de l'offre d'études du Séminaire de Philosophie. En outre, les différentes activités des instituts de recherche universitaires, que ce soit au niveau de l'enseignement, de la recherche ou de l'organisation de colloques, viennent complèter l'offre de l'IKF. Y participent en particulier le « Centre Interdisciplinaire de Recherche sur les Lumières en Europe » (IZEA), dont le bâtiment possède quelques places de travail que l'IKF met à disposition d'invités externes, ainsi que les programmes de recherche « Aufklärung-Religion-Wissen » (ARW) et « Gesellschaft und Kultur in Bewegung » (GKB), et le « Centre Interdisciplinaire de Recherche sur le Piétisme » (Interdisziplinäres Zentrum für Pietismusforschung, IZP). De manière plus générale, l'Université de Halle-Wittenberg donne également de par son large éventail de livres historiques et modernes divers moyens d'approfondissement au travail de recherche académique.

L'Université de Halle-Wittenberg est l'endroit idéal pour le « Forum Immanuel-Kant ». Au cours de leur longue histoire, les universités de Wittenberg, fondée en 1502, et de Halle, fondée en 1694, lequelles furent réunies en une seule université en 1817, ont joué un rôle déterminant dans la formation du monde moderne, et ce avant tout lors de la Réforme puis dans le Siècle des Lumières. Au XVIII^ème siècle, l'Alma Mater Halensis était l'université la plus importante de Prusse et représenta plusieurs décennies durant le centre de l'Aufklärung. Elle influença notamment la vie intellectuelle et culturelle de Königsberg, où les conflits présents à Halle entre le piétisme et le rationalisme eurent une forte répercussion, relayés en premier lieu par le théologien Franz Albert Schultz (1692-1763), formé à Halle. L'œuvre kantien est à peine pensable sans la connaissance des philosophes, des théologiens nommés « néologiens » et des juristes ayant étudiés et été actifs à Halle. De nombreux sont dignes d'être nommés : Christian Wolff, Siegmund Jakob Baumgarten (1706-1757), Alexander Gottlieb Baumgarten (1714-1762), Georg Friedrich Meier (1718-1777), Johann Salomo Semler (1725-1791) et Johann August Eberhard (1739-1809). Dans l'entourage direct de Kant à Königsberg, plusieurs personnalités ont étudié à Halle, par exemple Friedrich Samuel Bock (1716-1785), Michael Friedländer (1769-1824), Gottlob Benjamin Jäsche (1762-1842), Johann Gottfried Karl Christian Kiesewetter (1766-1819), Georg David Kypke (1724-1779) et Marcus Herz (1747-1803). Parmi les quelques 650 auteurs présenté(e)s dans le « Dictionary of Eighteenth Century German Philosophers » (3 tomes, éd. par H. F. Klemme und M. Kuehn, Londres et New York 2010), plus de 20 pourcent ont un rapport institutionnel avec les universités de Halle et de Wittenberg.

L'Université de Halle-Wittenberg a aussi à son actif une longue tradition de réception et d'étude en partie critiques et indépendantes de la philosophie kantienne, que rappellent entre autres les noms de Ludwig Martin Träger (1743-1772), Christian Gottfried Schütz (1747-1832), Ludwig Heinrich von Jakob (1759-1827), Jacob Sigismund Beck (1761-1840), Johann Heinrich Tieftrunk (1760-1837), Johann Gebhard Ehrenreich Maaß (1766-1823) et Johann Christoph Hoffbauer (1766-1827). Du point de vue institutionnel, cette tradition atteignit son sommet dans la personne de Hans Vaihinger (1852-1933), qui fonda en tant que professeur ordinaire de philosophie les « Kant-Studien » en 1896 et la « Kant-Gesellschaft » le 22 avril 1904, au 180^ème anniversaire de Kant, dont il fut le premier secrétaire général. (Alois Riehl et Rudolf Stammler, professeurs enseignants à Halle, firent partie des membres du premier comité de la société.) L'IKF aimerait poursuivre dans cette tradition d'une pratique toujours systématique de réception et d'étude de Kant.

Le fait que Kant soumit et obtint l'imprimatur pour le dernier texte dont il organisa lui-même l'impression et qui apparut en 1798, « Der Streit der Fakultäten », à la Faculté de Philosophie de l'Université de Halle, alors que celui-ci lui avait été refusé à Berlin, atteste une fois de plus les liens étroits entre Kant et Halle. C'est également le lieu où quelques-unes des œuvres principales de Kant furent imprimées, à défaut d'y être éditées ; Johann Friedrich Hartknoch, l'éditeur de Kant installé à Riga, fit imprimer dans les années 1780 chez Grunert les œuvres suivantes : La « Kritik der reinen Vernunft » (1781, 1787), les « Prolegomena zu einer jeden künftigen Metaphysik, die als Wissenschaft wird auftreten können » (1783), les « Metaphysische Anfangsgründe der Naturwissenschaft » (1786) et la « Kritik der praktischen Vernunft » (1787/88). En 1790, l'éditeur Friedrich Nicolovius de Königsberg donna l'ordre d'impression du texte dirigé contre Eberhard et intitulé « Über eine Entdeckung, nach der alle neue Kritik der reinen Vernunft durch eine ältere entbehrlich gemacht werden soll », à la maison d'édition de Johann Jacob Gebauer. Ainsi, d'un point de vue purement historique de l'impression des œuvres, la philosophie critique de Kant naquit à Halle (Saale).

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